J'aime l'expérience de la pure couleur. Pourtant, je trouve que si je regarde une couleur très définie, mon esprit reconnaît cette couleur et m'empêche de me perdre totalement en elle. Si bien que je tends à préfèrer des couleurs qui sont à côté, qui sont un peu moins définies. J'aime en particulier certains passages dans les peintures de Monet parce qu'en regardant ces zones, on se rend compte après quelque temps qu'il y a une multitude de couleurs en interaction, et on ne peut pas s'arrêter sur l'une ou l'autre. C'est comme de goûter une couleur ; c'est quelque chose de très physique. Un bleu pur fait plaisir, mais il a une telle définition qu'il n'a pas le pouvoir de m'engager sensuellement. L'une des raisons qui m'ont fait travailler avec le clignotement de couleurs était que je voulais créer des couleurs indéfinies, alterner, disons, trois couleurs de façon qu'en regardant cet effet chatoyant, l'esprit ne puisse pas le fixer ; on ne peut dire si c'est jaune, orange ou violet ; c'est une fusion constamment impossible. Pas vraiment une fusion, mais ça va trop vite pour qu'on puisse individualiser les tons. On entre dedans et on savoure cela comme si on voulait le goûter. C'est presque comme si on essayait de toucher quelque chose pour sentir ce que ça fait.
Paul Sharits
[Extrait d'un entretien avec Jean-Claude Lebensztejn réalisé en 1983 et publié dans : Jean-Claude Lebensztejn. Ecrits sur l'art récent Brice Marden Malcom Morley Paul Sharits, Editions Aldines, 1995.]
vendredi 1 février 2008
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